L'univers est un substrat d'énergie, le corps et l'esprit en font partie.
La notion du monde est sous-tendue par la prise de conscience corporelle, liée
à l'esprit, liée aux mondes, liée à l'énergie.
Le jeu de la création est issu du jeu divin de la déesse unie
à son partenaire divin. L'énergie pure se transmet au tantrika
dans le sens d'une extension du plaisir, de la jouissance, de l'extase à
l'instar du couple divin.
Les déesses tantriques sont un moyen pour le tantrika d'accéder
à des états de conscience de plus en plus fins et énergétique.
La voie de la main gauche (vâma marga) entreprend une ascèse orthodoxe,
la voie de la main droite (dakshina-marga) utilise le corps et l'union tantrique
sexuelle, après de nombreuses rituelies et purifications.
La contemplation permet l'incorporisation de la divinité ; et des contraires
comme lumières et ténèbres se trouvent abolis, par l'union
des contraires.
Le pouvoir est symbolisé par la femme, dont certains aspects sont colorés
de noir (déesse noire, la nuit), blanc (déesse blanche, le sperme),
rouge (le Yoni, ou vulve) de diverses couleurs (verte, la fertilisation de la
nature, etc.)
Dans l'absolu, lumières et ténèbres n'ont alors aucun
sens, sinon par analogies. L'énergie finale est cosmique, indifférenciée,
au-delà des trois gunas. La matière est créée à
partir du son ou de la vibration (spanda) et découle de la parole de
la déesse. Le Om est le son approximatif primitif, la première
vibration qui englobe toutes les vibrations dans une continuelle expansion et
résorption. Om est l'univers, la lumière les ténèbres,
mais Om n'est pas l'univers, n'est pas la lumière, n'est pas les ténèbres.
C'est juste une syllabe-racine , la vibration qui maintient les cieux et la
terre, les hommes et les dieux. Om est le son sans silence, le son de l'absolu
silencieux, sans lumière ni ténèbres. Om se structure en
feu lumineux, en matrice des eaux cosmiques, fusionnant pour obtenir Om auquel
s'ajoute Bindu, le sperme originel, le germe (le Om est dessiné sous
forme d'une coupe avec un point ). Tout se résorbe dans la Shakti, l'énergie
créatrice féminine.
Shiva et Shakti sont perpétuellement unis. Le son Om est chez l'homme
la représentation de la veille, du sommeil, du rêve et du dépassement
du soi au-delà de la pensée. Le rapport de l'ensemble , de la
perception et de la conscience, avec l'univers, et le temps permet la transcendance
au-delà de ces concepts.
L'énergie de la Shakti résulte de l'action de trois éléments,
statique, potentiel ou dynamique. Le centre statique dans le corps humain est
la Kundalini, la puissance du Serpent de l'énergie pure. La Réalité
étant une et indivisible, le dérangement de l'activité
de la conscience corporelle, intellectuelle, spirituelle, allant vers la conscience
nouvelle qui apparaît, pourra produire l'éveil, vers l'unité
de la Shakti.. La conscience deviendra puissance de l'être avec un certains
nombre de pouvoirs sur la création elle-même (éveil des
chakras). Les changements sont illimités dans la conscience, et la conscience
elle même est illimitée, d'où le terme d'élévation
de la Shakti, ou montée de la Puissance.
La finalité, le lotus aux mille pétales, la conscience absolue
ni plus aucune couleur, mais toutes les couleurs dont le résultat est
l'extase, le samadhi, lequel a plusieurs formes.
Lorsqu'il n'y a pas d'univers, il n'y a plus de changement, ni ténèbres,
ni lumières, simplement conscience totale ou être ; pour le tantrisme
caractérisé par un repos, une sans-cause matérielle, un
infini informel, avant une nouvelle émergence.
D'origine incertaine, le tantrisme repose néanmoins sur les bases de l'hindouisme qui sont :
1°) Les quatre Védas, avec les Samhita, recueils védiques
:
- Le Rig Veda, traitant des divinités ;
- Le Yayur Véda, traitant de magie et de médecine ;
- le SAMA Veda, traitant des mélodies ;
- L'Atharva Veda, des incantations et des prières.
Les Védas sont l'expression de la SHRUTI sous le terme de révélation
incorporant le savoir et la sagesse des anciens Rishis. Le Vedanga réunit
toutes les sciences utiles pour la compréhension des anciens textes védiques.
2°) Les BRAHMANA. Ces textes décrivent les actes rituels avec des mythes et des légendes. A sa suite, les ARANYAKA sont les traités des forêts établis par des ascètes. Enfin, les UPANISHAD, signifiant recevoir l'enseignement " assis près de ", traitent de différents points de doctrine védique. Ils sont souvent interprétatifs.
3°) Les PURANA, textes de mythologie " anciens textes de récits " décrivant des actions fabuleuses et légendaires avec les Dieux Vishnu, Shiva et Brahma et basé sur la Bhakti, l'amour. Il s'agit d'une relation des formes religieuses hindoues, avec des nombreuses traditions incorporées.
4°) Les AGAMAS ou traités tantriques se rapportant au culte de SHIVA et de sa SHAKTI, identifiant le culte mystique, comme écritures ou références sacrées.
5°) Les méthodes liées aux cultes anciens, aux sacrifices.
6°) Les textes plus particuliers comme le RAMAYANA, le MAHABHARATA, la Baghavad Gîta, puis les textes traditionnels purement tantriques comme la Hatha Yoga Pradipika (la petite lampe du Yoga). On trouve aussi les Samhita comme la GHERANDA Samhita, le Shiva Samhita.
7°) Enfin les écoles bouddhiques, tibétaines, jaïns, ont aussi leur corpus doctrinal.
ASANGA
Environ 400 après J.C., ASANGA, maître yogacharya et fondateur
de cette école avec Maître Maitreyanatha et Vasubandhu. Il est
issu d'une famille brahmane. Il est le frère de Vasubandhu. Il est converti
au bouddhisme par un moine Mahishâsaka, de l'école du Hinayana
(créée au IIième siècle avant J.C. en se séparant
des Vibhajyavadin) qui prône la réalité du présent,
niant celle du passé et du futur et qui donnera naissance aux Dharmaguptaka.
Il est l'auteur d'une doctrine idéaliste où toute chose est esprit,
la création se fait par l'imagination, les formes de conscience découlent
des Bijas (germes) et des expériences psychiques. Tout devient imagination,
la contemplation (dasharna-marga) permet la sortie de l'illusion et illumine
les souillures (Kleshas). Il est auteur vraisemblable du GUHYASAMAJA tantra,
d'où un apport au bouddhisme tantrique. Il lui est attribué le
Yogacharabhumi-shastra et le Mahayana Sutralankara. et le Mahayana-samparigraha.
NAGARJUNA.
Du deuxième ou troisième siècle, il est adepte et fondateur
du MADHYAMIKA. Il est originaire d'ANDHRA, du sud de l'Inde dravidienne. Son
nom dérive de NAGA, serpent et ARJUNA variété d'arbre.
Selon la légende, il aurait été instruit d'une doctrine
secrète par les Nagas (serpents marins). Il créera une école
de philosophie pour prouver l'irréalité du monde extérieur,
un monde de vacuité qui n'a pas de réalité phénoménale.
Cette réalité éternelle, indépendante, immuable
possède une vérité comme phénomènes d'apparence
multiple. Le nirvana et le monde sont alors similaires. Il convient d'atteindre
la conscience ultime des phénomènes pour échapper à
la multiplicité.
Du brassage des idées, de la localisation des écoles, de ce fait,
(aussi bien au Nord qu'au Sud de l'Inde) de nombreux termes extérieurs
à l'Inde vont apparaître (divinités, rites et croyances
étrangères au culte indien).
1°) Le tantrisme renouvelle la tradition védique par un apport de
deux divinités dans le bouddhisme dès le deuxième siècle
: PRAJNAPARAMITA, la sagesse suprême et TARA, la grande déesse.
Face à la Grande déesse se trouve la CAKTI (Shakti), la force
cosmique, la mère divine qui supporte les êtres, les dieux et la
manifestation. Les courants religieux étaient issus de la religion de
la mère. L'apport populaire fera de ces divinités la représentation
de la femme, de la Cakti à travers les rites de fécondation, de
génération.
Selon le SAMSKHYA, le PURUSHA même est immobile. La PRAKRITI est l'élément
dynamique qui fait mouvoir. Seule la CAKTI (Shakti) peut alors engendrer comme
source de force. La mère cosmique féconde entraîne la création.
Le tantrisme reprend les doctrines védiques et brahmaniques pour un nouvel
accès à la vérité : le monde est certes irréel,
mais présent comme phénomène issu de cette création
divine.
L'expérience, la vie courante, le corps de l'homme, les rythmes, le souffle,
l'univers servent de base au tantrisme.
2°) Les méthodes du tantrisme sont adaptées au KALI Yuga,
l'âge noir, par les pratiques et les réalisations qui sont pour
tous, sous la conduite d'un gourou.
3°) les doctrines doivent rester secrètes et ésotériques.
4°) Si le monde réel est au delà de la souffrance et de l'illusion,
il y a une permanence, une réalité sous-jacente au monde tel que
l'homme le conçoit.
Dans l'état de vide (Shunya) l'homme peut atteindre l'Unité qui
contient tous les contraires. La création devient plus riche, plus réelle.
La dualité s'efface et le monde réapparaît dans toute sa
nature divine, créatrice.
L'état à obtenir sera l'état VAJRA, l'être de diamant
qui reflète au maximum la lumière sans être altéré.
Dans l'état d'incomplétude, d'isolement, de souffrance, il y
a forcément des voies qui échappent à ces sentiments pour
obtenir l'étincelle divine, le Soi, le Cela.
Face à l'apparence, il y a une permanence, une autre réalité.
L'Atman s'oppose donc au Brahman, l'individu au cosmique, le soi personnel à
l'être absolu.
1°) La manifestation (Kalpa) se produit dans un espace (Akasha) sous forme
de vibration. Par les techniques de présence, par une discipline, face
au Vedanta déclarant le monde totalement illusoire, se trouve une voie
de l'action pour trouver une réalité pratique.
2°) Concept de l'existence de l'âme.
3°) Théorie du KARMA, voie de l'action efficace.
4°) Possibilité d'atteindre la libération dans cette vie en
utilisant comme base le Yoga dont le traité de Patanjali au IVième
siècle avait établi les bases du Yoga Darshana.
5°) travailler avec les énergies pour une transmutation dans une
manifestation sacralisée.
6°) Maîtrise des énergies dans l'expérience du monde
quotidien. La nourriture (Manga), la conscience des substances externes et interne
(Madhya), l'art, le corps servent de base.
La classification indienne retient, le Kriya Yoga, le Carya Yoga, le Yoga Tantra
et l'Anuttara Tantra.
* KRIYA Yoga. Le terme Kriya signifie accomplissement. Cette démarche
vise à faire, pour l'action efficace en vue d'obtenir l'accomplissement.
* CARYA Tantra ou Chariya Tantra. Terme voisin de Khuddaka-Nikaya, du sanscrit
recueil. Ces textes envisagent, à travers la cinquième partie
du Sutra-Pitaka, partie du canon bouddhique ou en sanscrit les quatre recueils
ou AGAMA, les sermons, légendes et vie de Shakyamuni, le Bouddha dans
son aspect très ancien et primitif pour obtenir la perfection (Paramita).
* Yoga Tantra, par la voie tantrique de Kundalini où le Yoga sert d'exercice
et de pratique en développant les différentes formes de conscience.
* ANUTTARA Tantra, la voie d'éveil pour l'illumination.
Les deux premiers sont rituéliques et s'adressent aux brahmanes, le second aux hommes d'affaires. Les deux derniers sont des processus yogiques pour atteindre la vérité.
1°) apport de deux divinités dans le bouddhisme dès le deuxième
siècle
PRAJNAPARAMITA la sagesse suprême
TARA la grande déesse
Face à la déesse CAKTI, la force cosmique, la mère divine
qui supporte les êtres, les dieux et la manifestation. Cette religion
est issue de la religion ancienne de la Mère.
L'apport populaire fera de ces divinités la représentation de
la femme, incarnation de la CAKTI, à travers les rites de fécondation
et de génération.
Selon le SAMKHYA, le PURUSHA mâle est immobile. La PRAKRITI est l'élément
dynamique qui fait mouvoir. Seule la CAKTI peut alors engendrer comme source
de force, Elle devient la mère cosmique créatrice
Le tantrisme renouvelle les doctrines védiques et brahmaniques pour un
nouvel accès à la Vérité.
L'expérience, la vie courante, le corps de l'homme, le souffle, les cycles,
les rythmes, l'univers serviront de base au tantrisme.
2°) Méthodes adaptées au cycle noir du KALI-YUGA, par la pratique
et les réalisations immédiates, la SADHANA pour tous sous la conduite
d'un gourou.
3) Caractérisé par des doctrines secrètes et ésotériques.
Il y a absence d'ascétisme rigide et Absence de spéculation inutile.
Le corps servant de base doit être, à travers un Hatha Yoga, dans
un état parfait. Le corps est le lieu du cosmos et des Dieux.
Dans certaines voies, il y a complet rejet des pratiques méditatives,
car les mantras et les concentrations empêchent la réalisation
du soi (selon LUI-PA auteur du SAHAJIYA=) : le vide est la vraie nature.
Le vide n'est pas le non-être, mais c'est celui du Brahman, le vide du
VAJRA, du diamant.
- Pour les VAMACHARY, l'identification à SHIVA et CAKTI (shakti) se fait
en utilisant le vin, la viande, l'amour. Cependant les interprétations
amenèrent des orgies, des thèses contradictoires.
- Pour le KULARNAVA-Tantra (VIIIième, 107) l'union avec Dieu se réalise
par l'union sexuelle.
- Pour le GUYASAMAJA-Tantra (Bhattacharyya Baroda 1931 p 27)
" la perfection peut s'acquérir facilement moyennant la satisfaction
de tous les désirs pour obtenir la condition de Bouddha ".
La voie tantrique est une voie profonde demandant une connaissance parfaite
du corps, des énergies et des méthodes qui favorisent le passage
des énergies.
Elle ne peut alors se pratiquer sans une ascèse rigoureuse, sous la conduite
d'une méthode éprouvée.
Georges Courts. Enseignement à l'École de Yoga de l'Est : Cours de Philosophie Indienne.